La procédure du « 1 % artistique » Abonnés
Le cadre législatif et réglementaire
L’article L. 2172-2 du code de la commande publique prévoit que les collectivités publiques soumises à l’obligation de décoration des constructions publiques passent les marchés ayant pour objet de satisfaire à cette obligation et choisissent le titulaire du marché après avis d’un comité artistique. L’article L. 1616-1 du code général des collectivités territoriales précise les modalités d’application par les collectivités territoriales du « 1 % artistique ».
Le champ d’application de l’obligation de décoration des constructions publiques pour les collectivités territoriales
Outre les services de l’Etat, les collectivités territoriales sont également tenues au respect du « 1 % artistique » pour les opérations immobilières (constructions et extensions, mais aussi travaux de réhabilitation lorsqu’ils se traduisent par un changement d’affectation, d’usage ou de destination de bâtiments publics) relevant des compétences qui leur ont été transférées par l’État à partir de 1983 et des lois de décentralisation (les opérations liées aux écoles maternelles et primaires, aux collèges, aux lycées, aux bibliothèques de prêt et aux médiathèques ou encore aux archives). L’obligation s’applique aussi lorsque les collectivités ont recours à un mandat ou à une autre personne agissant pour leur compte. En dehors du cadre des compétences transférées par les lois de décentralisation, les collectivités peuvent prendre l’initiative de mettre en œuvre une procédure de commande publique artistique.
La nature des œuvres artistiques
Les œuvres susceptibles d’être commandées dans le cadre du « 1 % artistique » sont nécessairement des œuvres d’art originales (catégories mentionnées aux 7° à 10° de l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle). Le champ des réalisations artistiques est ouvert : dessins, peintures, sculptures, gravures, lithographies, œuvres graphiques et typographiques, signalétiques originales, œuvres photographiques, œuvres utilisant la lumière, installations, œuvres des arts appliqués (design graphique ou d’objet). Le « 1 % artistique » peut aussi concerner des œuvres numériques ou faisant appel à d’autres créations artistiques pour l’aménagement d’espaces paysagers.
Le calcul des sommes dédiées au « 1 % artistique »
Le montant toutes taxes comprises des sommes affectées au respect de l’obligation de décoration des constructions publiques est égal à 1 % du montant hors taxes du coût prévisionnel des travaux tel qu’établi par le maître d’œuvre à la remise de l’avant-projet définitif (APD). Ce montant ne peut excéder deux millions d’euros. Il inclut le coût des prestations nécessaires à la conception, la réalisation, l’acheminement et l’installation des œuvres (en incluant les taxes afférentes) ainsi que les indemnités reçues par les artistes ayant présenté un projet non retenu. Le montant finance également les frais de publicité de la commande artistique. Les dépenses relatives aux fondations spéciales sont prises en compte pour le calcul du budget consacré au « 1 % artistique ». Le coût prévisionnel qui sert de base au calcul ne comprend pas les dépenses de voirie et d’autres types de réseaux, les dépenses générées par les études de géomètre et les sondages, ni celles liées à l’équipement mobilier. Dans l’hypothèse où des opérations immobilières relèvent de plusieurs personnes publiques et sont conduites simultanément sur un même site, le montant affecté à l’achat ou à la commande artistique peut être calculé de façon globale.
Les modalités de passation des marchés
Les marchés publics de décoration des constructions publiques s’inscrivent dans la catégorie des marchés publics de services. Quel que soit le budget consacré au « 1 % artistique », le maître d’ouvrage peut commander une ou plusieurs œuvres d’art ou acheter une ou plusieurs œuvres d’art existantes. Le marché peut en conséquence être divisé en lots. Les règles de passation des marchés du « 1 % artistique » diffèrent selon que le montant du marché est inférieur ou supérieur aux seuils européens.
La procédure est régie par les articles R. 2172-8 à R. 2172-16 du code de la commande publique. Il est possible d’avoir recours à une procédure adaptée en application du 3° de l’article R. 2123-1 du code de la commande publique et ce, quelle que soit la valeur estimée du besoin, dès lors que le marché a pour objet des services sociaux et autres services spécifiques dont la liste figure dans un avis annexé au code de la commande publique. Les services récréatifs, culturels et sportifs, qui comprennent, notamment, les œuvres d’art et les services artistiques, sont mentionnés dans cette liste. S’agissant des marchés mentionnés au 3° de l’article R. 2123-1 du code de la commande publique, les modalités de publicité dépendent du seuil applicable.
L’obligation de constituer un comité artistique
Quelle que soit la procédure retenue, l’acheteur demeure tenu de faire intervenir un comité artistique. Le comité artistique, constitué par le maître d’ouvrage, intervient pour les commandes d’œuvres à créer et les achats d’œuvres existantes, quel qu’en soit le montant, sauf pour l’achat d’une ou de plusieurs œuvres existantes dont le montant est inférieur à 30 000 euros hors taxes, ou lorsque l’achat ou la commande d’une ou plusieurs œuvres ne peut être confié qu’à un seul artiste, sans publicité ni mise en concurrence.
- Composition du comité artistique : le comité artistique comprend sept membres : le maître d’ouvrage ou son représentant qui le président ; le maître d’œuvre ; le directeur régional des affaires culturelles ou son représentant ; un représentant des utilisateurs du bâtiment ; trois personnalités qualifiées dans le domaine des arts plastiques. A cet égard, une personnalité est désignée par le maître d’ouvrage et les deux autres par le directeur régional des affaires culturelles.
- Rôle du comité artistique : le comité artistique est l’instance au sein de laquelle s’exerce la concertation. Il a un rôle de conseil du maître d’ouvrage. Il donne son avis sur les candidatures et sur les projets artistiques. Le comité artistique élabore le programme de la commande ou de l’achat et sélectionne l’artiste. Pour ce faire, le comité artistique invite les artistes sélectionnés à remettre leurs projets, peut les entendre, et propose un ou plusieurs des projets à l’acheteur. A la suite de l’avis rendu par le comité artistique, l’acheteur arrête son choix par une décision motivée.
A noter : les artistes ayant présenté au comité artistique un projet non retenu perçoivent une indemnité.
Le contrat de commande et la rémunération de l’artiste
Après l’attribution du marché, un contrat ou « acte d’engagement » est passé entre le maître d’ouvrage, représenté par la personne responsable du marché, et l’artiste. Ce contrat spécifie les modalités de réalisation et d’installation de l’œuvre ainsi que le budget (qui précise la rémunération de l’artiste). Le recours aux avances et aux acomptes prévus par le code de la commande publique est recommandé.
- Les obligations du maître d’ouvrage au regard de la protection sociale de l’artiste
Le montant de la rémunération versée à l’artiste par le maître d’ouvrage doit inclure les cotisations sociales dues par l’artiste. Les cotisations et contributions sociales comprennent la maladie, la vieillesse, le veuvage, la CSG, la CRDS et la formation professionnelle continue. En vertu de l’article L. 382-5 du code de la sécurité sociale, les cotisations sociales dues sont versées :
- par l’artiste lorsqu’il est dispensé de précompte ;
- par le maître d’ouvrage lorsque l’artiste n’est pas dispensé de précompte.
- La contribution diffuseur (droits d’auteur)
En vertu de l’article L. 382-4 du code de la sécurité sociale, une contribution est due par « toute personne physique ou morale, y compris l’Etat et les autres collectivités publiques, qui procède, à titre principal ou à titre accessoire, à la diffusion ou à l’exploitation commerciale d’œuvres originales » (art. L. 382-4, code de la sécurité sociale). Ainsi, toute rémunération versée à un artiste-auteur en contrepartie de la diffusion de son œuvre ou de l’exploitation commerciale de celle-ci doit donner lieu au paiement de la contribution diffuseur et le maître d’ouvrage en est donc redevable. Toutefois, lorsque ce n’est pas le maître d’ouvrage qui rémunère l’artiste, la contribution diffuseur n’est pas due par le maître d’ouvrage et s’impute sur l’enveloppe du « 1 % artistique ».
- Les modalités de paiement des cotisations sociales et de la contribution diffuseur
Le maître d’ouvrage doit s’enregistrer comme diffuseur auprès de l’URSSAF afin de remplir ses obligations au regard de la contribution diffuseur et, lorsque l’artiste n’est pas dispensé de précompte, du versement des cotisations sociales. Les documents permettant de s’acquitter de ces obligations sont disponibles auprès de l’URSSAF (https://www.urssaf.fr/portail/home/espaces-dedies/artistes-auteurs-diffuseurscomm/vous-etes-diffuseur.html).
Les aides au financement du « 1 % artistique »
- Le mécénat
Le principe du cofinancement est le plus répandu. Les collectivités peuvent rechercher le soutien de partenaires publics, notamment locaux, mais aussi de mécènes (entreprises, banques, fondations). Le mécénat peut apporter un soutien numéraire (don d’argent), en nature (don de matériel) ou en compétences (mise à disposition de personnels pour aider l’artiste à la réalisation), sans contrepartie directe. Il ouvre au mécène un droit à déduction fiscale qui prend la forme d’une réduction d’impôt.
- Le financement participatif
Les collectivités peuvent aussi recourir à des plateformes numériques de financement participatif par des particuliers. En plus de la déduction fiscale, il pourra offrir aux donateurs des contreparties symboliques telles que des invitations à l’inauguration, affiches, visites du site, etc.
- Le soutien du ministère de la Culture
Les collectivités peuvent solliciter le ministère de la Culture dans le cadre du dispositif de soutien à la commande publique. Pour cela, elles s’adresseront à la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) qui étudiera les possibilités d’accompagnement artistique, technique et financier. Cette aide peut porter sur les études et/ou la réalisation ainsi que sur la communication (médiation, édition d’un ouvrage) ou la valorisation.
Paul Durand le 25 avril 2024 - n°534 de La Lettre des Finances Locales
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